Réplique à Samir Saul envoyée au Devoir
Alors que les racismes tendent à prôner l’ « infériorité » des groupes qu’il cible de leur haine, (hormis la parenthèse nazie) l’antisémitisme attribue aux Juifs des pouvoirs surnaturels et s’attèle à décrypter le cours du monde en fonction des gestes fantasmés ou réels des Juifs.
Dans un étonnant article où il assimile la reprise d’Alep par le régime syrien à une forme de résistance au mondialisme, M. Samir Saul prétend de manière aussi extravagante que, mû par le « projet néocon » dont il détiendrait la paternité, Israël, «à défaut de pouvoir les contrôler» s’acharnerait à « démembrer les États et nations arabes en micro-entités confessionnelles manipulables et satellisables » (« La résurgence des États et des nations », 12 décembre 2016).
Quiconque est familier de la littérature antisémite du XXe siècle percevra dans l’accusation de M. Saul les échos de la trame narrative des Protocoles des sages de Sion, ce faux qui a servi de prétexte aux massacres des populations juives au siècle dernier : les Juifs comploteraient contre les nations en y déclenchant conflits, séditions et zizanie afin de les subjuguer et de leur d’imposer leur système économique mondial.
Prétendre que l’État juif a la volonté et la capacité de déstructurer les États voisins relève du conspirationnisme et de la paresse intellectuelle qui lui est consubstantielle. Loin de souhaiter la décomposition des États arabes voisins, Israël considère, bien au contraire, que sa sécurité est mieux servie par la présence d’États forts et capables d’assumer le monopole de la violence entre leurs frontières. Le morcellement de la Syrie ne constitue non pas un gain, mais un défi sécuritaire pour Israël. Depuis 1973, la frontière avec l’État policier des Assad était la plus sûre et la plus tranquille de l’État juif; elle menace désormais d’ouvrir un nouveau front pour les ennemis non-étatiques d’Israël.
La déstabilisation régionale alimentée par les djihadistes et les ambitions hégémoniques iraniennes en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban ont en fait rapproché Israël des puissances arabes sunnites de la région. La coopération sécuritaire entre l’Égypte et Israël est à son zénith face à la double menace du Hamas à Gaza et des djihadistes dans la péninsule du Sinaï. La Jordanie patrouille son territoire menacé par le débordement du conflit syrien avec des hélicoptères fournis par Israël. Les États du Golfe, quant à eux, ne se donnent même plus la peine de dissimuler leur coopération avec Israël.
L’étrange accusation de M. Saul serait risible si elle ne provenait pas d’un professeur d’histoire et n’était pas publiée dans un quotidien de qualité. A l’heure de la crise des médias traditionnels qui les oblige à se trouver de nouvelles pertinences, ceux-ci seraient bien avisés de laisser les théories du complot aux médias sociaux.
N.B. Le professeur Samir Saul n’en est pas à son premier dérapage conspirationniste à propos d’Israël. Il y a un peu plus d’un an, il affirmait dans les pages du Devoir qu’Israël exportait vers l’Union européenne le pétrole produit par l’État islamique, une théorie du complot concoctée par un site web islamiste basé à Londres.
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Bravo David, très bien dis